La nuit venait de recouvrir Bree d’un manteau noir. Les marchands remballaient leurs marchandises invendues. Les derniers badauds rentraient chez eux.
On pouvait distinguer dans les coins les plus sombres des ruelles d’étranges silhouettes, probablement quelques fripons en attente d’un voyageur ivre à détrousser.
On pouvait même croiser quelques ribaudes peu farouches.
Je sortais de la maison des artisans, et j'ai traversé la place du marché en direction de la cantine des Gardes. Je fus accueilli par le veilleur en second.
-«
Bonsoir maître nain » me dit-il.
- « Bonsoir à vous veilleur, mes amis sont-ils déjà là ? »
- « Oui, trois sont arrivés »
-« Je vous remercie et bon courage à vous »Il me sourit. Nous savions, l’un comme l’autre, que la nuit serait longue…
J’accélérais le pas, gravis les quelques marches du perron et j’entrais dans la pièce.
Effectivement, trois « petits-pas » m’attendaient
Il y avait Sire salinas, qui était confortablement installé sur un fauteuil en bois.
Buco, assis sur sa gauche, finissait une cuisse de poulet au miel.
Portefaix, quant a lui, juché sur un tabouret, était installé au bar et vidait une pinte de bière.
Nous échangeâmes quelques mots de bienvenue et attendîmes quelques minutes après d’éventuels retardataires.
Mais nul ne se présenta. Nous nous questionnâmes sur les fondements mêmes de notre mission et sur les risques encourus par une si petite compagnie. Mais d’un commun accord nous primes la décision de maintenir l’expédition.
Portefaix partit en éclaireur, non sans avoir mangé quelques côtes de porc, vite fait, sur un coin de table.
Nous en profitâmes pour enfiler nos tenues de combats et s’octroyer une petite pause « pipi » pour l’un d’entre nous.
Arrivé sur Place, Portefaix sonna du cor, et nous le rejoignîmes.
Comme prévu, nous nous sommes présentés au campement elfe et nous leur avons confirmé que nous maintenions notre excursion.
L’un d’eux, un elfe aux longs cheveux noirs, eut même un petit rictus provocateur en nous voyant.
Il devait se dire que nous étions une bien drôle de compagnie – 2 hobbits et 2 nains – quatre petits bonhommes pour venir à bout du Grand Galgal.
L’elfe se ressaisit très vite lorsqu’il rencontra le regard de défiance que lui lançait portefaix.
L’échange fut court, et pas très cordial, pour tout vous dire. Nos esprits n’étaient pas vraiment à la courtoisie.
Puis nous nous approchâmes de l’entrée.
Chacun d’entre nous montrait des signes de nervosité.
Sire Salinas faisait courir ses mains sur son luth, comme pour s’assurer de la présence de son instrument. Buco avait cessé de manger pour tripoter les plumes de l’empennage de ses flèches. Portefaix avait sorti sa hache, et ne pouvait s’empêcher de serrer et de desserrer ses poings sur son manche. Quant a moi, j’espérais être à la hauteur de mes compagnons et ne cessais de compter les tresses de ma barbe (elles étaient toujours au nombre de treize).
Pourrais-je encore les compter dans quelques heures ?
Voilà….. Nous y étions…… L’entrée du grand Galgal. Après une profonde inspiration, j’entrais le premier.
L’entrée débouchait sur un escalier, nous y descendîmes.
Notre avance était prudente, ce qui nous permettait de gérer aisément les quelques créatures errantes.
Nous tournâmes à droite, puis à gauche, puis de nouveau à droite et encore à droite puis à gauche puis de nouveau à droite, puis encore à gauche puis à droite, puis certainement à gauche et après probablement à droite et, après un éventuel virage à gauche suivi d’un virage à droite , nous prîmes enfin un virage à gauche avant d’arriver devant un escalier.
Lentement, nous montâmes les marches… nous étions prêts à frapper quiconque se trouverait sur notre chemin.
Et c’est alors que nous constatâmes que nous étions revenus à notre point de départ.
Portefaix lâcha un mot…. « Labyrinthe ».
Buco déglutit, Sire Salinas souffla.
Nous fîmes demi tour mais, avant de poursuivre, nouvelle pause « pipi » pour le même hobbit.
Nous redescendîmes les marches, et procédâmes méticuleusement pour trouver notre chemin.
Après moult virages, moult demi-tours, nous trouvâmes enfin un escalier qui nous fit déboucher sur un petit promontoire.
Ce promontoire desservait, par un unique escalier, le repaire des deux premiers lieutenants de Sambrog . Les seigneurs de la mort et maîtres du labyrinthe : Gaerdring et Gaerthel.
Nous découvrîmes très vite et à nos dépens que ces deux soldats étaient aussi de puissants invocateurs.
Il nous fallait non seulement gérer les attaques meurtrières des deux lieutenants, mais aussi subir le flot incessant de leurs sbires invoqués.
Buco, resté dans l’escalier, décochait un flot continu de flèches toutes plus précises les unes que les autres.
A ses cotés était posté Sire Salinas, qui de sa douce musique, guérissait nos plaies et nous donnait de l’ardeur au combat.
Portefaix concentrait toutes ses attaques sur les lieutenants. Quant à moi, planté en bas de l’escalier, j’essayais de préserver nos deux hobbits tout en gérant les viles invocations.
Le combat fit rage de longues minutes, mais nous parvînmes à défaire nos adversaires.
Après avoir pansé nos blessures, nettoyé nos armes, resserré les sangles de nos armures (et, pour l’un d’entre nous, vidé le trop plein de sa vessie), nous remontâmes à la surface pour nous présenter aux elfes.
Ils semblaient à la fois contents de notre retour, et étonnés que notre compagnie en soit sortie indemne.
Les elfes nous proposèrent de plonger à nouveau dans le Grand Galgal afin de détruire Thadur le nécromancien. Le bras droit de Sambrog.
Fiers de notre précédente réussite, nous ne nous fîmes pas prier pour accepter.
Durant tout l’échange, Portefaix gardait son regard rivé sur l’elfe aux cheveux noirs.
Mais avant de plonger à nouveau dans les ténèbres, nous fîmes une pause (pipi pour certain…enfin,.. toujours le même hobbit chasseur pour ne pas le citer).
Nous nous désaltérâmes et mangeâmes quelques bouchées (et même plus que quelques bouchées pour notre ménestrel…. Oui…oui…Sire salinas…. Je vous ai vu du coin de l’œil....)
Alors que nous nous apprêtions à pénétrer dans le Grand Galgal pour la seconde fois, vous vîmes des elfes surgir des profondeurs d’Othrongroth. Ils couraient à vive allure, tournant le dos à l’entrée.
Que pouvait-il y avoir à l’intérieur qui fasse fuir ces « aventuriers » ? Nous les regardâmes fuir en direction de l’est.
Ils couraient vite, aussi vite que lorsque l’on fuit les tavernes naines les soirs de concours de pétomanes.
- «
Quels couards !! » lança portefaix
- «
Quels Froussards !! » lâcha Sire Salinas
- «
Quels Laches !!! » dis-je
- «
Quelle honte !! » hurla maître Buco, «
ils ont piétiné mon sac avec mes tourtes toutes fraiches ! »
Nous entrâmes.
Après maints couloirs et quelques escarmouches, nous débouchâmes dans une grande pièce, dans laquelle Thadur nous lança un défi.
Car Thadur est visiblement « Un nécromancien taquin et joueur »
Si nous voulions nous mesurer à lui, il nous fallait accepter le défi.
Nous combattîmes d’abord une étrange lueur bleue. Puis deux. Puis trois… Mais nous ne fûmes visiblement pas assez rapides,
Et Thadur, après s’être moqué de nous, nous renvoya deux lueurs, puis à nouveau trois… ET là, encore un nouvel échec.
Thadur jubilait de notre impuissance à relever son défi.
«
- Il nous faut les attirer au centre ! » hurla Portefaix.
Nous nous attelâmes à attirer les lueurs au centre, nous en terrassâmes deux, puis trois et enfin quatre.
Et Thadur nous ouvrit les portes de son mausolée.
La compagnie se mit naturellement en place. Comme si chacun savait ce qu’il avait à faire.
Le seigneur de la Nécromancie fut difficile à terrasser, mais les réflexes de notre équipe commençaient à se roder.
A l’issue du combat nous retournâmes voir les elfes. Ces derniers furent plus que surpris de nous revoir.
Les elfes nous proposèrent alors une ultime mission. Nous étions d’ailleurs leur seul et unique espoir.
Il nous faudra descendre à nouveau dans les tréfonds du Grand Galgal, ouvrir la porte interdite. « Celle avec le crane ».
Et là, chercher et détruire Sambrog...
L’ultime espoir des elfes reposait sur des nains et des hobbits. Quelle Ironie du sort !
J’ai pu constater que durant toute notre conversation, l’elfe aux cheveux noirs n’avait même pas osé regarder Portefaix…
Nous acceptâmes.
( Enième pause pipi pour Maitre Buco , mais sa vessie fut aussitôt remplie par deux belles grosses gorgées de bière brune). Combien de gourdes avait-il emporté ?
La descente dans le Galgal fut rude, et chaque combat devenait terrible, nos adversaires devenant de plus en plus puissants et nous commencions à ressentir la fatigue.
Les muscles se faisaient douloureux, nos plaies tiraillaient nos corps meurtris et les estomacs des Hobbits sonnaient creux.
Plus nous avancions et plus nous ressentions une puissance maléfique et malsaine envahir les lieux, et affaiblir nos esprits.
Nous ne devions pas faiblir.. Nous ne pouvions pas faillir.
Puis Sambrog apparut, dans toute sa terrifiante splendeur. Il possédait une armure à faire sevrer les meilleurs maitres forgerons nains.
Sambrog nous regardait de toute sa hauteur, sa taille était impressionnante. Il mesurait presque deux fois et demi la hauteur de Sire Salinas.
Nous nous jetâmes dans l’arène en portant haut les couleurs des « petits-pas ». Nous combattions pour l’honneur de la confrérie.
Dès les premiers coups du seigneur des lieux, nous comprîmes que le combat serait dur…
Que nous combattions, aussi, pour notre survie.
Plus Sambrog s’affaiblissait et plus il lâchait sur nous ses sbires maléfiques et remplissait l’air d’un étrange gaz.
L’oxygène venait à nous manquer, nos poumons brulaient, nos yeux pleuraient…. nous suffoquions. Il nous fallait le terrasser vite ou mourir ici, et grossir les rangs de ses larbins.
Alors, dans un ultime espoir, nous jetâmes toutes nos forces dans un dernier assaut. L’issue était incertaine. Si l’un de nous venait à tomber, les trois autres ne pourraient résister longtemps…
Sambrog fut anéanti, mais à quel prix ! Nos corps étaient meurtris, nos armures bosselées, nos capes en lambeaux et nos haches émoussées…. Mais…. nos esprits étaient joyeux.
Sire Salinas et Maître Buco s’autorisèrent même un petit pas de danse. Portefaix jubilait en rangeant sa hache. Et moi, Je comptais mes tresses. Elles étaient toujours au nombre de 13.
Nous quittâmes les lieux, et offrîmes aux elfes la preuve de notre victoire.
Nous avions éliminé la menace qui pesait sur Bree et avions purifié les lieux.
Le soleil se levait sur les Galgals. Maître Buco nous ramena à Bree.
Et il me semble, mais je ne suis pas sûr, avoir vu Maitre Portefaix faire un clin d’œil moqueur à l’elfe aux cheveux noirs….
Mon esprit était las et mon corps fatigué. Peut-être ai-je rêvé ?
Dans un dernier salut, nous nous séparâmes avec une étrange conviction.
Comme si, dans un avenir proche, nous combattions encore au coude à coude, comme des frères, et pour l’honneur des « petits-pas »....